amie, et elle l’embrassait cordialement. Puis elle se mit aussitôt à parler.
— Comment allez-vous, chère petite ? Toujours bien, je vois. Ma parole, vous rajeunissez ! Voilà ce que c’est que de vivre en famille, au milieu de l’affection des siens. Tandis que moi… Oh ! ne protestez pas ! Je sais bien ce que je dis. J’ai eu encore deux crises d’estomac, cette semaine-ci. Que voulez-vous ? C’est notre lot. Nous sommes sur la terre pour souffrir. Et ce bon abbé ? Comment va-t-il ? Toujours à l’œuvre ? Quel saint homme ! Je ne verrai pas vos filles aujourd’hui ? Quel dommage ! À mon âge, chère petite, il est reposant et agréable de voir de jolis visages. Ah ! si j’avais seulement une fille comme votre Cécile, je ne me plaindrais pas !
Elle soupira, se rassit et se mit à parler. Quand elle avait commencé, rien n’aurait pu l’arrêter. Elle semblait toujours avoir une revanche à prendre sur de longues années de silence. D’une maison à l’autre, elle colportait des nouvelles et des potins. Mais elle était très discrète et ne répétait jamais ce qu’elle apprenait des affaires de ses amies.
— Vous ne savez pas pourquoi je suis venue, aujourd’hui, déclara-t-elle, en se carrant dans son fauteuil, non, vous n’en avez pas la moindre idée !
— Mais, fit Mme Pioutte, avec un sourire malin, c’est parce que vous désirez me voir, je suppose.
— Oui, c’est pour cela, évidemment, mais pour autre chose encore.
— Et pourquoi donc, ma chère amie ?
— Ma chère Gaudentie, fit Mme Maubernard, sans répondre directement, et avec quelque solennité, vous savez combien j’aime vos enfants. Vous savez comment mes parents se sont conduits avec moi et pourquoi j’ai entièrement cessé de les voir ; et vous savez aussi que, privée des joies pures de l’intimité et du foyer, j’ai fini par me considérer presque dans ma famille, quand je me trouve au milieu de mes amis, et il n’en est point que j’aime autant que vous…
Il ne faut pas se dissimuler que Mme Maubernard avait déjà fait cette dernière déclaration dans toutes les mai-