pencha vers lui. Il essayait d’articuler quelques mots et semblait les mâcher comme s’ils étaient en caoutchouc. La bonne put cependant distinguer quelques syllabes :
— Veu… Veu… Veu… Oudrais… conf… es… un… peu… peu… prêt…
— Un prêtre pour vous confesser ? dit la bonne.
L’abbé baissa ses paupières en signe d’acquiescement. Rosita jeta le journal sur une chaise pour aller chercher madame. Il restait ouvert à une page qui représentait une femme assise, fumant une cigarette, les seins nus, les jambes en chaussettes étalées dans un retroussement de jupons.
On courut à l’église des Réformés. Le confesseur habituel de l’abbé Barbaroux étant absent, ce fut Tacussel qui vint. Il balança ses grands bras devant Mme Pioutte, qui l’attendait à la porte, et précipita ses mots pour exprimer son saisissement et sa douleur. Il emplit l’escalier de ses jérémiades et commença même, en s’appuyant sur la rampe, l’oraison funèbre de l’abbé, comme s’il la répétait pour la réciter au cimetière.
— Mais mon frère n’est pas encore mort, s’écria Mme Pioutte avec colère.
— Ah ! pardon, madame, ce n’est pas ce que je veux dire !
Et l’abbé Tacussel s’engouffra dans la chambre du malade. Quand il en sortit, il ne manqua pas de s’écrier :
— C’est un saint, madame, un saint !
— Avez-vous pu le confesser, monsieur l’abbé ? demanda Mme Pioutte.
— Mais certainement, madame, très bien, l’abbé Barbaroux a toute sa tête.
L’abbé Tacussel était optimiste. À vrai dire, il s’était contenté de poser au vieux prêtre quelques questions auxquelles celui-ci avait répondu tant bien que mal par des hochements de tête ou des murmures confus.
— J’ai demandé à mon vieil ami s’il désirait que je lui porte les derniers sacrements. Il a accepté avec joie. Mais croyez-vous qu’il soit nécessaire de le faire ce soir ? Il me semble qu’il n’y a pas péril en la demeure…
Le docteur arriva sur ces entrefaites. On lui communiqua cette incertitude.