le sait en ville, et tu n’auras que tes mendiants à la rentrée… Elle est finie, finie, ton école, bien finie !
— Tais-toi, tais-toi, hurla l’abbé, hagard, affolé, je ne peux plus supporter tout cela ! Ah ! cette terre, ces gerfauts, le voici, le « charnier natal » ! Ah ! Dieu, je ne peux plus rester ici, que je m’en aille, que je m’en aille !
Éperdu, l’abbé Théodore se jeta vers la porte, l’ouvrit et vit, dans un coin du corridor, Délussin, qui serrait contre le mur le joli petit Robert-Damblin et lui mangeait les lèvres de baisers. À la vue du directeur, ils s’enfuirent.
— Délussin ! cria l’abbé.
Délussin, rouge, penaud, revint sur ses pas.
— Ici, Délussin ! Ah ! Ah ! tu profitais de mon absence pour embrasser ton camarade ; ma sœur avait raison, je ne vois rien ici, mais cela va changer, les branches mauvaises seront jetées au feu. Allons, Délussin, viens ici que je te contemple. Tu as raison, sois vil, sois bas, sois aussi ignoble que tu pourras l’être. Comme tu me répugnes ! Tu es bien l’image de ton temps ! Écoute-moi, tu as tué Combette…
Délussin recula avec tant de précipitation que l’abbé, croyant qu’il voulait s’échapper, le saisit par le bras.
— Tu as tué Combette, je le sais, tout le monde le sait en ville. Eh bien ! continue, tue, déshonore, vole ton père, vole ta mère, vole ton frère, tu feras bien. Crois-tu qu’il y ait un Dieu, une foi, une religion, une morale, un honneur, une dignité personnelle ? Allons donc, des niaiseries ! Tu sais ce qu’en vaut l’aune. Crois-tu à l’immortalité de l’âme, crois-tu même que l’homme ait une âme ? Des préjugés ! Il n’y a que des bêtes, Délussin, des gerfauts qui se repaissent dans les charniers. L’hypocrisie, le mensonge, l’ingratitude, la cruauté, le déshonneur, le vol, la luxure, la tromperie, tout cela a son prix, tout cela vaut de l’argent. Sois un bon gerfaut, toi aussi, trouve ton bénéfice, tes profits dans le charnier. Ne recule devant rien. N’est-ce pas ainsi qu’on est un homme ? Un homme, c’est-à-dire un vautour, une sangsue ! Ah ! que je souffre ! Cela est trop, trop à la fois. Seigneur