patience avec lui, quand il avait un an ! Tu l’as toujours considéré comme un fainéant, comme un propre à rien. Et tu es tout heureux, maintenant, de pouvoir ainsi le trouver en faute…
— Tu es injuste, Gaudentie, protesta la voix forte de l’abbé, si j’avais témoigné à Charles l’antipathie dont tu parles, je ne lui aurais pas donné deux cents francs par mois depuis trois ans, comme je l’ai fait, pour qu’il apprenne la peinture…
Dans cette phrase, Mme Pioutte vit, avec une mauvaise foi toute féminine, un moyen de détourner le débat de son objet réel et d’invectiver encore son frère :
— Deux cents francs par mois ! Penses-tu que ce soit beaucoup ? Tu lui reprochais tantôt de se nourrir d’un argent gagné par sa maîtresse. Pauvre enfant ! S’il n’avait pas assez pour vivre…
— Mais c’est infâme, ce que tu dis là, cria Théodore, rouge de colère et de honte. Mais il n’y a plus en toi la moindre parcelle d’honneur, tu ne sais même plus ce que c’est. Tout est donc pourri dans ton cœur ? Tu l’excuses ! Tu autorises tout, pourvu qu’on gagne de l’argent. Quand on n’a pas de quoi vivre, Gaudentie, on travaille, on ne se fait pas nourrir comme ton fainéant de fils le fait, entends-tu ? On casse des cailloux sur une grande route plutôt que de toucher un sou du gain d’une fille ! Ah ! en arriver là, s’écria l’abbé, en élevant les bras vers le ciel, avoir tout fait pour ceux que l’on aime et s’apercevoir, à la fin, d’une telle indignité ! C’est à cela qu’auront servi tant de sacrifices !
Gaudentie se leva solennellement, avec beaucoup de dignité, et prit la parole :
— C’est la dixième fois, au moins, Théodore, que tu fais allusion à ce que tu as fait pour nous. Ce n’est pas très délicat, de ta part, mais… passons ! Il ne faut rien exagérer. Tu nous as nourris, logés, c’est vrai. Tu as été très bon pour nous, quand mon pauvre mari est mort, c’est vrai encore. Mais depuis que nous sommes ici, je tiens ta maison, je surveille tes domestiques, je te fais réaliser des économies en dirigeant tout, je t’ai permis ainsi d’avoir des pensionnaires… Après tout, je me suis