cru en toi !… Ah ! on peut, ainsi, toute sa vie aimer quelqu’un, le parer de toutes les vertus et des plus rares mérites, et puis, il faut reconnaître que l’on s’est trompé, que celle que l’on considérait comme la femme la plus honnête du monde n’est rien… — Et ton mari, c’est toi aussi qui l’as ruiné ! Je le vois bien ; maintenant, puisque tu m’as conduit au même point que lui. Ah ! oui, la plus honnête femme du monde ! Une femme qui vole pour permettre à un chenapan de faire la noce !
Mais alors Mme Pioutte, qui frémissait de colère de tous ces reproches, releva la tête, à cet outrage jeté à son fils. Une lueur terrible fit briller ses yeux gris, elle eut quelque chose de fauve et de bestial, tandis qu’elle s’écriait :
— Ce chenapan est mon fils ! Et j’aurais fait bien autre chose pour lui. Un fils ! Tu ne sais pas ce que c’est, toi ! C’est tout dans la vie, on n’a besoin de rien autre… ! J’aurais donné ma vie pour le tirer d’un mauvais pas ! Et qu’est-ce que c’est, à côté d’une existence, qu’un petit détournement d’argent et quelques mensonges ? Je n’ai vu qu’une chose, moi, que, si tu apprenais sa conduite, tu le renierais. Il fallait, avant tout, le sauver ! C’est ton intolérance, ton étroitesse d’idées, ton injustice qui m’ont menée là ! Tu ne connais rien de la vie !
— Non, fit l’abbé, je n’en connais rien. Car ce que tu appelles la vie, c’est le vice, la honte, la luxure, la malhonnêteté, l’infamie ! Sois tranquille, je ne demande pas à la connaître. C’est une autre vie que j’ai connue. On n’a pas été un chrétien, un homme de foi, de devoir, fidèle à Dieu et à ses principes, soucieux de sa parole, de son honneur, de sa dignité pour ne trouver dans la vie que des instincts à satisfaire et des vices à protéger… Oui, c’est dans de monstrueuses théories que tu as élevé ta famille. On reconnaît l’arbre à ses fruits et les voilà, les fruits de cette éducation ! Ah ! quelle honte ! Quelle honte !
— Tu n’as jamais aimé mon fils, jeta Gaudentie, qui prit de nouveau l’offensive ; et c’est bien pour cela que j’ai tant travaillé à le garantir de ta colère. Depuis qu’il est né, le pauvre enfant, tu le détestes. Tu n’as jamais eu que des reproches à lui faire. Tu n’avais même pas de