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Alors l’abbé Barbaroux cacha sa tête dans ses mains et sanglota. Après quoi, il pria la concierge de prévenir Mme Pioutte qu’il l’attendait au parloir.


XXIX

LE FRÈRE ET LA SŒUR


Quand Mme Gaudentie Pioutte fut entrée doucement dans le salon qu’elle parcourut du regard et quand elle eut vu son frère immobile, debout auprès d’une fenêtre, comme une statue sombre et tragique de la Méditation et de la Douleur, elle s’élança vers lui, les bras ouverts, et s’écria d’une voix pathétique :

— Mon pauvre Théodore ! Mon pauvre Théodore !

Mais elle s’arrêta court, ses larmes, comprenant toute leur inutilité, rentrèrent d’elles-mêmes sous leurs paupières. Théodore s’était tourné vers elle, le regard glacé, la figure rude et sévère, et il lui avait dit :

— Évite-moi ces effusions ridicules, Gaudentie !

À ces mots, comme elle parut indignée, Mme Pioutte ! Comme son cœur de mère et de sœur dut souffrir de cet accueil injuste ! Elle s’appuya d’une main à un fauteuil pour ne pas chanceler ; elle s’écria, toute brisée par l’émotion :

— Ah ! Théodore, je ne m’attendais pas à une pareille dureté de ta part. Quand je viens à toi, tout en larmes…

— Il est inutile, maintenant, de pleurer et de te lamenter, le mal est fait ! Toutes les larmes de la terre n’y changeraient rien ! Mais considère ta conscience, Gaudentie, et demande-toi, humblement, si tu n’as pas ta part de responsabilité dans ce qui vient d’arriver là !

Mme Pioutte suffoqua d’indignation et de surprise. Elle pivota sur elle-même et se laissa tomber dans le fauteuil.

— Ah ! Théodore, quel mal tu me fais ! Tu sais pourtant si ma santé est chancelante. Certes, j’aurais cru…