passer ici. Le bureau de l’Économat a été forcé entre hier soir et maintenant… Trois cent vingt-sept francs ont été… volés ! Oui, messieurs, volés ! cria-t-il d’une voix qui s’étranglait. Nous avons de fortes présomptions pour croire que le coupable est parmi vous…
Les yeux de l’abbé Barbaroux lançaient des éclairs à travers les verres de ses lunettes. En secouant la tête, il agitait de longues mèches de ses cheveux gris. Il était frémissant, il suait l’indignation par tous les pores. Il avait sa grande voix des orages, caverneuse, rude et, par endroit, comme défaillante sous l’étreinte de l’émotion.
— Je ne saurais exprimer la peine que j’éprouve. Quand je songe qu’il y a parmi vous un voleur, parmi vous… dont mes collaborateurs et moi prenons tant de soins, que nous élevons dans la crainte de Dieu, dans les pratiques de notre Sainte Religion… le culte du devoir, de l’honneur… Un être assez bas, assez vil pour voler ! Voler ! Mais est-ce que ce mot ne vous fait pas bondir de honte ? J’en ressens un tel saisissement et une telle honte que je peux à peine y croire. Et pourtant, le fait est là… Nous tâcherons de découvrir le coupable. Il ne faut pas que des innocents soient soupçonnés… Peut-être, s’il en est encore temps, l’arracherons-nous à la vie de perdition dans laquelle il s’engage… Mais il subira le châtiment que son… indignité… réclame ! Qu’il sache bien qu’avec de pareils instincts c’est sur l’échafaud qu’il finira… Et s’il est parmi vous, que mon mépris l’atteigne !
Le bras de l’abbé se dressa dans l’espace, menaçant un adversaire invisible ; la bouche contractée et grimaçante, le regard flamboyant sous le hérissement des sourcils crispés, il regarda l’auditoire. Quelques élèves souriaient.
Une cloche sonna. C’était l’heure de la récréation. L’abbé Théodore s’agenouilla pour réciter les litanies de la Vierge.