les notes reçues, en lui envoyant les créanciers les plus hargneux, en lui mettant sous les yeux une comptabilité aux conclusions sinistres. Il aurait voulu entrer en possession de son domaine, le 1er octobre suivant, et il faisait les bouchées doubles, il ne ménageait plus Barbaroux, il entassait les prophéties désolées, les prédictions lugubres, les jérémiades. Il insinuait que l’abbé ne pourrait peut-être pas rouvrir en automne. Mais le vieillard s’insurgeait.
— Je ne peux pas me reposer. Je n’en ai pas le droit. Il faut que je continue. J’ai une famille à nourrir, je ne dois ni être malade, ni m’arrêter… Tout me retomberait dessus !
Augulanty soufflait à l’abbé que Pioutte pourrait bien travailler.
— C’est vrai, mon ami, c’est vrai ! Mais j’ai donné à sa mère ma parole que je l’aiderais jusqu’à ce qu’il ait fini ses études. Une parole, c’est sacré ! D’ailleurs, il n’en a plus pour longtemps.
— Il faut marier Mlle Virginie, déclara Augulanty pensif.
— Eh ! Je ne demande pas mieux, s’écria Barbaroux, pourriez-vous lui trouver quelqu’un ?
— Je m’en occuperai, dit gravement Augulanty. Et il pressa Mme Pioutte d’obtenir à son projet l’assentiment de Virginie. La vieille dame, satisfaite de la vague promesse de sa fille, ne s’occupait que fort peu de ce mariage. Elle avait d’autres chats à fouetter !
Après la terrible révélation de l’économe, elle avait écrit à son fils une lettre indignée et furieuse où elle lui reprochait surtout de lui avoir laissé ignorer la véritable condition sociale de Clémentine Jouve. Mais Charles Pioutte ne manquait pas d’audace, il traita de basses calomnies les propos que sa mère venait de lui répéter, il l’invectiva avec violence d’oser porter de si monstrueuses accusations contre une jeune fille qu’il considérait comme sa fiancée. Il ajoutait que le mariage se ferait bientôt. Il se gardait bien de dire qu’il avait dépensé jusqu’au dernier centime les quinze mille francs de sa mère. Mme Pioutte ne sut que croire, elle n’avait pas une grande