y eut un silence assez long. Virginie bâilla de nouveau à se décrocher la mâchoire.
— Tu ne fais plus rien, Virginie ? dit tout à coup Mme Pioutte, en interrompant sa besogne.
— Non, merci. J’en ai assez de travailler. Ce n’est pas drôle du tout.
— La vie n’est pas drôle, déclara sentencieusement Mme Pioutte, on n’est pas sur la terre pour s’amuser
— La vie est ce qu’on la fait !
— Tu t’imagines ça, toi ?
— J’en suis sûre.
— Tu déchanteras, ma fille.
— Je crois bien que non, ma mère.
Elles se regardèrent une seconde, intriguées. Il y avait, peut-être, chez Mme Pioutte le regret de cette belle jeunesse, ardente, insouciante et qui croit créer son destin, et aussi un peu de jalousie ; il y avait chez Virginie le dédain de cette vieillesse prudente et timorée et l’impatience d’échapper à son joug.
— Mais, Virginie, insista Mme Pioutte, crois-tu qu’il soit possible, par exemple, à une jeune fille d’épouser celui qu’elle désire ?
— Sans doute.
— C’est absurde. Tu dis cela par entêtement et pour le plaisir de contredire. Tu sais bien que c’est souvent impossible.
— Parce qu’on a égard, non à son bonheur, mais au respect des lois ridicules établies par la société. Pourquoi une jeune fille ne ferait-elle pas demander, au jeune homme qu’elle aime, de l’épouser, au lieu d’attendre bêtement ?
— Parce que ça ne se fait pas !
— C’est ce qui m’exaspère…
— Bien. Admettons qu’elle le fasse. Et si le jeune homme ne veut pas ?
— On sait bien l’obliger à vouloir.
— Tu parles comme une enfant. Tu ne dis que des bêtises.
— Ce n’est pas mon avis. Je soutiens, moi, que tout homme a en lui de quoi devenir amoureux de n’importe