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XXIII

LES RÉVOLTÉS


Il y avait tant de fleurs, ce jour-là, dans le salon d’Andréa Ryès qu’on aurait pu croire que le printemps y tenait conseil et y assemblait ses matériaux avant de descendre dans la rue et de pavoiser les arbres. De grandes gerbes de mimosas penchaient leurs hampes grêles dans la glace où se reflétaient aussi les visages exsangues des narcisses, les renoncules aux bonnes joues réjouies et les anémones en demi-deuil. Des violettes, groupées dans des coins, semblaient de sombres conspiratrices, occupées à fomenter un complot contre l’oligarchie des roses triomphantes, qui occupaient partout la place d’honneur et s’étalaient sur chaque meuble, splendides, exubérantes, vaniteuses, sensuelles, avec des mines de parvenues. Et dans des vases minces comme le col des cygnes, les premiers iris, délicats et frileux, prenaient des attitudes alanguies et distinguées, des airs intacts et tristes de personnes de grande famille qui ont eu des malheurs.

Quand Virginie entra chez son amie, elle fut tout étonnée d’y trouver déjà Sylvestre Legoff, qui tournait autour de la table, avec une figure soucieuse, tandis qu’Andréa, enfoncée dans un fauteuil, le regardait de façon inquiète, le nez enfoui dans la coupe d’une rose blanche.

Le mouvement de contrariété qui échappa au jeune homme, en voyant paraître celle qu’il aimait, bouleversa Virginie. Toute pâle, elle s’arrêta net, au seuil de la porte, et son anxiété fut si poignante qu’elle lui arracha deux larmes qui restèrent suspendues à ses paupières. Andréa s’était levée, sans frapper des mains, ni crier, ce qui était un bien mauvais signe, et Legoff se composait, non sans