occupé sournoisement à brûler avec une cigarette la blouse d’un petit qui se tenait à ses côtés.
— Parce que mes parents n’entendent pas que je sois élevé avec des assassins…
— C’est pour moi que tu dis ça ? fit Délussin, d’un ton patelin.
— Oui, mon vieux.
— Ton affaire sera vite faite, mon bébé.
Il s’avançait en se balançant. Édouard du Puget, grand et mince, était incapable de résister physiquement au petit colosse qu’était son adversaire. Mais il haussa les épaules.
— Non, répondit-il, tu ne feras pas mon affaire, tu en as déjà une assez lourde sur les bras. Je ne me laisserai pas intimider comme le pauvre Combette. Si tu me touches, gare à toi, l’affaire de Combette viendra en justice, et avec tes antécédents, tu auras de la veine, si on ne te fourre pas à l’ombre jusqu’à ta majorité. Par complicité, par terreur, par lâcheté, par faux point d’honneur, tous nos camarades se taisent. Mais sache bien que si on t’arrêtait, tu cesserais d’être dangereux et qu’alors tous déposeraient contre toi ! Donc, fiche-moi la paix. Je m’en vais. Je ne te gênerai plus longtemps, mais je tiens à te déclarer, avant mon départ, que je te considère comme un voyou et comme un assassin…
Cette attitude décontenança Délussin et lui donna à réfléchir. Il dévora silencieusement ces outrages et s’éloigna en grommelant de vagues menaces. Édouard du Puget quitta l’école le soir même et Samoëns ne devait pas tarder à le suivre.