le lieu de réunion de tous ses rêves. Et maintenant, c’était fini, il demeurait à jamais seul dans cette existence, il n’y aurait plus pour sa vieillesse abandonnée une affection, ni un sourire. Ses racines plongeaient dans deux tombes comme les racines d’un cyprès. Pourquoi son Paul, ce gentil garçon si doux, si patient, si affectueux, s’en allait-il ainsi dans cette caisse, exposé aux brutalités des fossoyeurs, aux indifférences des passants ? Pourquoi la grande nuit pesait-elle sur ces beaux yeux bruns de faon amoureux ? Oui, pourquoi ?
Et dans le cortège, celui qui avait arrêté les jours de Combette marchait tranquillement, brutal et serein. Et tous ceux qui l’avaient battu, humilié, jeté à terre, tous ceux qui l’avaient traité comme on ne traite plus les nègres, parce qu’il était gauche, maladroit et timide ; tous ceux qui s’étaient fait un jeu de ses tristesses, de ses larmes, sans songer que ce pauvre être méprisé possédait un père dont il était l’unique joie, tous venaient en rang, parlant entre eux, riant et les mains dans les poches.
L’abbé Barbaroux, vieilli, chagrin, les traits tirés, marchait à leur tête, escorté de M. Augulanty, funèbre, lugubre, un vrai fossoyeur, et de M. Bermès, qui avait dû prendre de nombreuses forces, avant de se mettre en route, car il montrait le regard humide d’un ivrogne, des yeux troubles et rouges. M. Niolon, tout seul sur le trottoir, se récitait à mi-voix quelques pages du Sermon de Bossuet sur la Mort, et M. Peloutier songeait à composer une poésie sur le décès du jeune Combette. Il entrevoyait déjà les premiers vers dont l’éloquence poignante l’enchantait.
Si jeune et déjà mort ! Seigneur, est-ce possible ?
Il chercha longtemps une rime à ce dernier mot. À l’église, pendant la cérémonie de l’absoute, la suite se présenta tout naturellement à son esprit :
Quoi ! quand avril garnit de bourgeons et de fleurs
Les campagnes, la mort l’a déjà pris pour cible ?
Quoi ? nous faut-il verser des sanglots et des pleurs ?