situation ! Crois-tu que ce soit gai d’être avec une femme qui n’est pas la vôtre, renié des siens, ne pouvant voir personne, hors de l’Église et de la Société ? Tout cela parce qu’on n’est pas riche et qu’on a cependant du cœur ! Et quand mon enfant naîtra, il n’aura même pas de nom. Ce sera un enfant naturel. Ton premier petit-fils, maman, sera un enfant naturel.
Mme Pioutte, touchée au vif, se mit à pleurer.
— Mais enfin, il ne faut pas tant d’argent pour se marier ?
— J’admets qu’il en faille peu, ce peu, est-ce toi qui nous le donnera ?
— On pourrait peut-être le trouver. Voyons, Charles, combien te faut-il ?
— Vingt mille francs ! déclara Charles Pioutte, avec aplomb.
Il pensait que, s’il réussissait seulement à obtenir le quart de cette somme, il réaliserait une fameuse affaire.
Mme Pioutte sursauta.
— Vingt mille francs ! Tu es fou. Il ne faut pas tant que ça…
— Tu vois bien, dit-il placidement, qu’il est inutile d’y songer.
— Mais vingt mille francs ! Y penses-tu ?
— Je n’ai pas une autre idée en tête !
— Vingt mille francs ! Sais-tu que c’est une somme ?
— Je le sais. C’est vingt mille francs, deux fois dix mille, quatre fois cinq mille…
— Ne te moque pas de moi, fit Mme Pioutte, courroucée, et qui, au son métallique de ces mots retrouvait beaucoup de son caractère et un peu de sa lucidité. Je sais ce qu’est la vie. Jamais tu ne me feras croire qu’il faut vingt mille francs…
— Je ne te force pas à le croire, dit Charles avec indifférence.
— Du moins, explique-moi ce que tu comptes faire d’une telle somme.
— N’en parlons plus !
— Établis-moi le montant de ces dépenses, si tu veux que je te croie. As-tu des dettes ?