Cécile remercia son oncle avec chaleur, puis elle lui tendit la main. Bien qu’il hésitât à la prendre, il n’osa pas refuser la sienne. Il la serra d’une étreinte gênée. Quand Cécile fut sortie, il se jeta à genoux aux pieds de son crucifix et, joignant les mains avec désespoir, se mit à prier.
XXI
L’ABBÉ BONSIGNOUR
À cinq heures, les élèves ayant quitté la cour de la récréation et réintégré les geôles des salles d’études, l’abbé Barbaroux prit son chapeau usé, sa grosse canne noueuse et sortit de la maison. Cette journée, si fertile en événements, l’avait épuisé ; la fatigue amollissait ses jambes et alourdissait ses pieds, qui lui semblaient, à chaque pas, soulever des semelles de plomb. Il pensa que l’air du soir et la marche lui feraient du bien, et il se mit en route pour aller au boulevard Notre-Dame, dans un quartier assez éloigné de la rue Saint-Savournin, solliciter l’homme qui pouvait seul le sauver. Il ne prit pas de tramway afin d’épargner les dix centimes du voyage, car il était si prodigieusement économe pour lui-même qu’il hésitait devant les plus minimes dépenses.
Cet homme, c’était l’abbé Bonsignour, un camarade de collège et le plus ancien, en même temps que le meilleur de ses amis, un prêtre plein de cœur, charitable, bienveillant et d’un optimisme absolu. Très riche, il répandait, certes, le bien autour de lui, mais il s’assurait aussi la vie la plus douce, la plus sereine et la plus tranquille. Il avait une grande foi et une telle confiance dans la bonté et la miséricorde célestes qu’il disait toujours : « Dieu n’en demande pas tant ! » On en faisait toujours assez pour lui, croyait-il. Terriblement égoïste, en réalité, il n’avait pas cet égoïsme dur, qui se renferme en soi et repousse autrui, mais un égoïsme doux, aimable et douillet, qui est charitable pour s’éviter la peine de voir