homme, mais terriblement nul et d’une banalité désespérante. La vie auprès de lui est un supplice. Si j’avais eu un enfant, tout cela ne serait pas arrivé. Enfin, j’ai bâillé, chaque journée, à me décrocher l’âme, j’ai souhaité n’importe quoi pour sortir de cette torpeur… Et connaissant la probité de Caillandre, j’ai voulu voir si on pouvait le faire voler, si je réussirais à le sortir de son apathie, de son lâche respect des lois, le passionner, en faire un homme…
— Un homme ! cria l’abbé, dis donc un criminel !
— Un criminel, si vous voulez, continua Cécile, avec indifférence. C’était un but, cela mettait un intérêt dans ma misérable existence. Alors j’ai usé de tous les moyens pour réussir. J’ai affolé Louis de mes dédains, de mes refus, de mes ironies, de mes coquetteries, j’ai rendu son amour inquiet, douloureux, jaloux. Je l’ai désespéré par un sourire, affolé par un regard. Comme une courtisane, j’ai mis un prix à mes faveurs, des conditions à mes caresses, j’ai épuisé sa volonté, j’ai démoli sa notion de l’honneur, j’ai fait de lui un bloc d’argile que je sculptais à ma guise. Il est devenu mon esclave ! Et un jour, épouvanté de mes scènes, de mes comédies, il a emprunté de l’argent à la caisse pour satisfaire un de mes caprices, il a emprunté encore pour payer des dettes criardes, puis pour empêcher la saisie. En le voyant toujours plus faible, j’achetai davantage, je collectionnai les bibelots, les inutilités luxueuses, je gaspillai plus en robes et en chapeaux qu’en dépenses pour la maison. Nous avions une note chez le confiseur, nous en avons fait une chez le boulanger, chez le boucher, partout. Il était économe, rangé, il avait bourgeoisement horreur des dettes. Ah ! comme ses vieux principes ont vite brûlé ! Il est devenu plus bohème et plus absurde que moi ! Il a vécu dans une tourmente de besoins luxueux, de désirs, de folies. Nous dînions au restaurant et nous passions notre soirée au théâtre ou au café-concert. Et cela quand nous aurions dû économiser, pour éteindre les dettes que Louis avait contractées en se mariant… Et voilà où nous en sommes ! Nous devons douze mille francs à la caisse du Crédit Parisien. Si nous ne les trouvons pas, Louis sera arrêté,