souffre-douleurs aux autres et que l’on retrouve partout où les enfants se réunissent, partout où des êtres, qui se groupent, mettent en commun leur lâcheté, leur cruauté, leur besoin de faire souffrir, leur instinct de destruction, tout le fond animal et sauvage de l’être humain.
Combette subit longtemps ce supplice trop connu. Un certain Délussin se chargea particulièrement d’être son bourreau. Au bout de six mois, Combette, las de ces brimades, se plaignit enfin de Délussin, que l’on punit sévèrement.
C’était un redoutable garnement que ce Paul Délussin, petit, trapu, robuste, engoncé dans de larges épaules que surplombait une tête plate et vipérine, aux yeux malins et cruels. À la récréation suivante, profitant d’une partie de barres, il se jeta de toutes ses forces contre Combette, plus grand que lui. Sa tête fit choc dans le dos de son ennemi si violemment que le pauvre diable s’abattit sur un contrefort de la barrière qui séparait les deux cours, et dont un angle lui fendit le front. Les élèves, prévenus à l’avance de ce que préparait Délussin, attendaient l’événement. Ils l’aimaient et le redoutaient, parce qu’il les battait, et ils détestaient Combette, qui était délicat, doux et serviable et ne les tutoyait jamais. Ils jetèrent des hurlements en voyant tomber Combette, et ils se poussaient le coude, en riant, tandis qu’on l’emportait, évanoui, sa figure livide tachée d’un flot de sang.
Aucun professeur n’avait assisté à la scène. On fit une enquête, où il fut prouvé que Combette s’était blessé en glissant maladroitement.
L’abbé Barbaroux, bouleversé par cet accident, traversait le grand corridor, quand la concierge l’interpella pour lui dire que Mme Caillandre l’attendait au salon.
Le prêtre ouvrit la porte et aperçut Cécile, tout en noir, debout près de la fenêtre et qui regardait dans la rue.
— Bonjour, Cécile. Tu vas bien ? fit-il en allant vers elle, un bon sourire de bienvenue aux lèvres. Mais l’air embarrassé de sa nièce le frappa. Il la considéra avec plus d’attention, il vit sa pâleur, la fièvre de ses yeux,