tu as compromis ta réputation et détruit ton avenir. C’est beau, cela, Louis, très beau ! — Écoute, ne va pas au bureau demain, on ne fera ta caisse que mardi. Mardi, tu auras ton argent.
— Où le prendras-tu ? dit Caillandre, soupçonneux, mais les yeux illuminés d’espérance.
— Chez mon oncle Barbaroux. Il m’aime, il me les donnera.
— Mais tu seras obligée de lui dire ?
— Évidemment… Et puis après ? Je lui expliquerai tout, il comprendra… Nous n’avons pas le choix, il faut se tirer d’embarras, maintenant…
Alors Cécile s’approcha de ce Louis Caillandre qu’elle avait tant méprisé. Elle prit entre les fins calices de ses mains cette tête brune, rude et laide, elle mit sur ces lèvres sa bouche rieuse, fraîche, ardente, elle lui donna son premier baiser d’amour. Caillandre prit sa femme dans ses bras.
Ah ! pour être aimé aussi pleinement, sans dédain et sans refus, pour mériter ce don complet, que n’eût-il pas fait ! Qu’importait son vol ! Ses principes, son devoir, son honneur, tous les mots auxquels il croyait pourtant, qu’étaient-ils en face de cette femme passionnée, de cet amour et de cette joie qui l’emportaient au delà de lui-même sur les ailes de la passion souveraine ?
XX
LA PREMIÈRE GORGÉE DU CALICE
Il y avait, à l’école Saint-Louis-de-Gonzague, un élève nommé Combette, très doux, extrêmement timide, affectueux et naïf, un peu bête, un de ces garçons qui ne fument pas, ne crient pas, ne disent pas d’obscénités, ne savent pas rendre un coup de poing, qui supportent sans se plaindre les quolibets, les injures, les bousculades, les coups, un de ces martyrs dérisoires, qui servent de