souvent, infiniment plus de faiblesse et d’impuissance à garder son ressentiment que de charité et d’esprit évangélique. Elle ne tarda pas à s’attendrir encore sur le sort de ce malheureux enfant. N’était-il pas le plus malheureux ? Et plus elle le sentait faible, menteur, méprisable, plus elle l’aimait. Il lui semblait que c’était encore son petit Charlot, auteur déjà de tant de frasques ! Ses erreurs, qu’elle trouvait puériles, le lui rendaient enfant ; elles lui restituaient le gosse câlin et malfaisant dont elle avait tant de fois excusé les fautes et pallié les folies. Si son admiration pour l’homme diminuait, son affection s’accroissait d’une sorte de frénésie désespérée.
Elle ne pensa bientôt plus qu’à tout entreprendre pour cacher la vérité aux yeux de son frère et à ravir, dans la débâcle, une poire pour la soif de Charles Pioutte.
Un jour, Félix Augulanty trouva la vieille dame qui l’attendait auprès de la loge vitrée de la concierge. Elle l’introduisit dans le fameux salon et lui demanda de vouloir bien la renseigner sur la situation exacte du pensionnat et de la fortune de son frère.
L’économe l’exposa d’une voix sobre. Selon lui, l’école Saint-Louis-de-Gonzague ne tiendrait pas encore trois ans. Elle était malheureusement envahie d’une ivraie d’enfants pauvres et sans éducation qui lui donnaient le plus fâcheux renom, ne payaient pas et corrompaient les autres élèves. Le bon grain était étouffé. Quant à la situation financière, elle était bien simple. Les dépenses excédaient les bénéfices. L’abbé mangeait son capital.
— Mais il va se trouver sur la paille ! s’écria Gaudentie.
— C’est à prévoir.
— Mon Dieu ! Que faire ? Comment enrayer cela ? Ah ! si mon pauvre mari était encore de ce monde, il me donnerait un bon conseil !
— Tant que l’abbé demeurera à son poste, il n’y aura rien à faire, dit Augulanty.
— Mais alors ?
— Il faut qu’il abdique ! Faites-moi épouser votre fille au plus tôt, et ensuite, confiez-moi la direction de l’école. Une fois que j’aurai le local, — nous nous entendrons sur le moyen dont je le payerai, — je me charge du reste. Je