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qui veulent échapper à la mort par l’esclavage et une application de forçat. D’ailleurs, son amour pour les siens augmentait en proportion directe de ses soucis.

Il se réfugiait dans la pensée de ses devoirs et de ses affections, avec une consolation infinie. Cet homme, qui avait gardé un cœur pur et qui n’avait usé aucune des forces intimes de son être, se retrouvait, en pleine vieillesse, avec une âme jeune, ardente, dévouée, pleine de confiance et de ferveur, ignorant les calculs de l’égoïsme, la fuite lâche devant les responsabilités, l’indifférence et la sécheresse.

Quand il avait travaillé tout le jour, son plus grand plaisir était de venir passer une demi-heure, le soir, dans la petite pièce de l’Économat, où sa sœur et sa nièce dînaient. Dans le discret rayonnement de la lampe, le visage flétri de Mme Pioutte et la face éclatante de Virginie se penchaient vers les fleurs artificielles d’une broderie ou sur les feuillets d’un livre. Le cœur du vieil homme se dilatait alors, il éprouvait le désir de les serrer contre sa poitrine, il était récompensé de tant de peines et de chagrins, et il remerciait Dieu de la grâce qu’il lui avait faite, en lui permettant d’unir les joies saines de la famille et un chaste célibat. Les Pioutte le consolaient de tout. Virginie, de naturel câlin et caressant, témoignait à son oncle beaucoup d’affection, plus qu’elle n’en ressentait sans doute, et cela, non par hypocrisie, mais par une exagération de témoignages extérieurs, habituelle à son caractère de Méridionale exubérante et superficielle.

Mme  Pioutte, de son côté, ne ménageait pas à son frère les expressions de sa reconnaissance. Elle lui prodiguait les soins, les prévenances, les attentions délicates. Elle lui montrait ce redoublement de tendresse et d’amabilité que l’on manifeste aux gens envers qui on a des torts graves, encore inconnus d’eux, et dont on veut, à l’avance, atténuer, par son affection et son dévouement, le ressentiment futur. S’inquiétant sans cesse de voir son frère pâle, fatigué, elle lui faisait boire des bouillons, du quinquina, des élixirs, des liqueurs, avaler des pilules, des granules, toutes ces drogues où l’on prétend emmagasiner de la force.