— Allons ! fit Andréa, la paix est-elle signée, contresignée, paraphée… ? Alors, mon cher, continuez votre récit ! Croyez-vous que vos parents fassent une opposition sérieuse à votre mariage avec Virginie et vous persécutent pour que vous épousiez Mlle Sorémy ?
— Euh ! fit Legoff, c’est bien possible ! Mais ne vous inquiétez pas. Je suis trop Breton pour ne pas être affreusement têtu, et ils le savent. Aussi sont-ils fort inquiets de me voir prendre aussi mal leurs ouvertures à ce sujet. S’il faut tout vous dire, la reine mère boude et Charlemagne fait la moue.
— Oui, dit Andréa, mais songez, Sylvestre, que vous avez besoin de leur autorisation pour vous marier. Or, si vous refusez trop catégoriquement la jeune fille qu’ils vous offrent, vos parents prendront leur revanche en vous refusant cette autorisation.
— Tant pis pour eux ! Ils verront arriver la petite sommation.
— Ils vous déshériteront, dit Andréa, en riant.
— Pas possible ! Je suis l’unique rejeton de leur glorieuse union.
— Ils vous priveront d’argent.
— Vous oubliez, Andréa, que je travaille chez mon père et que j’y suis payé, comme n’importe quel employé. Ils n’oseront tout de même pas me renvoyer !… Et puis, si vous voulez, Virginie, et si mes parents font trop leur poire, nous leur collerons dans les pattes un bon petit scandale, quelque chose de très chic. Ils ont horreur de ça ! Pensez donc ! un scandale dans la famille d’un fabricien et d’une dame patronnesse, qui fait partie de tous les ouvroirs, où l’on est censé habiller les pauvres, mais où l’on n’habille, en réalité, que son prochain !
— Que de bêtises, mon pauvre Sylvestre ! dit Andréa.
— Qu’appelez-vous un scandale ? dit Virginie, alléchée par ce mot où son caractère, resté vindicatif, flairait une occasion de revanche à prendre contre une société qui l’avait abandonnée, parce qu’elle était pauvre.
— Eh bien ! si je vous proposais, répondit Sylvestre, avec une insouciance apparente et comme s’il cherchait, de vous enlever… par exemple…