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XVII

CE QU’IGNORAIT MONSIEUR AUGULANTY


Si le digne M. Augulanty avait rencontré, ce jour-là, Mlle Virginie Pioutte, tandis qu’elle sortait de l’école et qu’elle s’en allait, le long du trottoir, en compagnie de sa bonne, peut-être eût-il conçu quelques soupçons, qui eussent pu l’inquiéter et lui rappeler qu’il y a, dans les plus habiles des plans, une part de hasard et d’imprévu que nul ne fait entrer en ligne de compte avec ses projets.

Virginie se rendait chez son amie, Mlle Andréa Ryès, qui habitait au boulevard Longchamp. Seule, de ses compagnes, celle-ci ne l’avait point abandonnée, quand M. Pioutte mourut. Andréa Ryès, orpheline et très riche, vivait avec une tante sourde et paralytique. Elle passait chaque été dans une campagne, aux Arcs, qui avoisinait la propriété de M. Legoff, son oncle, agent de change. Ce fut là que, trois ans auparavant, Virginie fit la connaissance de ce Sylvestre Legoff, qui l’aimait et qu’elle aimait, et qu’elle voyait, hebdomadairement, chez son amie, en attendant qu’elle l’épousât.

La brune Virginie Pioutte embrassait Andréa, blonde, mignonne, légère, si fine et si vaporeuse, qu’elle avait l’air d’une fée, mais d’une fée bien moderne, qui se serait métamorphosée en jeune fille pour lire des romans défendus et monter à bicyclette. Une voix sonore jeta : « Peut-on entrer ? » En même temps, un pas rapide retentissait dans le corridor, et un jeune homme entra, élégant et désinvolte.

Maigre, très grand, Sylvestre Legoff joignait à l’attrait d’un teint brun et d’une brillante chevelure noire celui de deux yeux bleus, rêveurs et mélancoliques. Une longue moustache souple coupait ce visage osseux et fin où se lisait l’origine bretonne de son père, né à Saint-Malo, qu’il avait quitté à la suite de revers de fortune.