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poisson. Voilà, mon vieil Apache, les renseignements que j’ai extraits sans douleur de la demoiselle Sigaud. Je t’en garantis l’authenticité. Tu peux donc danser de joie, puisque j’ai vaguement compris, à travers les périodes emballées de ta missive, que ces dépenses de Pioutte étaient pour toi une chance de succès. Je ne comprends pas trop comment, par exemple… Si tu as un moment de reste, vieil Iroquois, raconte-moi comment il suffit que tu saches cela pour faire trembler quelqu’un par la révélation d’un vol. Serait-ce le jeune Pioutte qui aurait chipé ça à sa famille ? Cette histoire-là me paraît éminemment curieuse. Je fais donc des vœux pour ta réussite, et je t’envoie les amitiés de ton reconnaissant.

« Jean Badiez. »

En lisant cette lettre, M. Augulanty avait regretté de s’être abandonné à mettre dans la sienne des détails aussi précis et propres à instruire son correspondant de ses hypothèses audacieuses. Il avait pensé à détruire ce papier, puis réfléchi qu’il lui fallait une preuve dans le cas où il rencontrerait chez l’abbé Barbaroux ou chez Mme Pioutte une incrédulité trop complète. Au surplus comment imaginer qu’on vienne un jour la lire chez lui ?

Mathenot plia la missive, la replaça dans le portefeuille, enfonça le tout sous les chemises, à la même place, ferma le tiroir et descendit.

En bas, il dit à la logeuse :

M. Augulanty tarde bien à venir. Je n’ai pas le temps de l’attendre plus longtemps.

Il s’en alla.

— Je ne m’étais pas trompé, songeait-il, en marchant. La personne que fait trembler Augulanty est Mme Pioutte. Il la tient avec cette lettre. C’est donc elle qui a volé quinze mille francs. Mais où ? Comment ? C’est insensé ! Il n’y a donc partout que des hypocrites et des trompeurs ? Pauvre abbé ! Il faut qu’il sache tout. Mais que puis-je lui dire ? Je ne sais pas où Mme Pioutte a pris cet argent… Et même est-il bien sûr que ce soit elle ? Ce Badiez n’en