— Nous venons de décider le renvoi de M. Blesle. Aucune considération n’a pu retenir la sévérité de M. l’abbé, qui est cependant très lié avec la famille Blesle. Ni des relations cordiales, ni l’intérêt, puisque ce jeune homme était le seul élève qui payât encore cinquante francs par mois. Et vous savez combien votre frère est désargenté en ce moment…
Et tout à coup, la voix de M. Augulanty se fit rude et sonore pour asséner brusquement cette phrase foudroyante sur la tête de Mme Pioutte :
— Que pensez-vous, madame, que fasse l’abbé quand il saura que son neveu, pour lequel il a fait tant de sacrifices, vit avec une maîtresse et qu’il en a même un enfant ?
Mme Pioutte, qui s’était rassise, se leva avec affolement. Elle était livide, ses mains tremblaient de nouveau. Elle essaya de nier et balbutia :
— Que voulez-vous dire, monsieur ? Comment osez… Comment ?… Une telle calomnie…
— Inutile de mentir, madame, dit brutalement Augulanty. Je sais tout cela, et je n’ignore pas que vous le savez aussi… Il y a déjà assez longtemps que vous êtes avertie de l’inconduite de votre fils et que vous n’ignorez plus qu’il habite avec un modèle !
— Un modèle ! cria Mme Pioutte épouvantée et qui sentit renaître en elle contre cette femme toute l’aversion jalouse, toute la haine animale qu’elle avait eu tant de peine jusque-là à contenir.
— Ne saviez-vous pas que c’était un modèle ? fit Augulanty, frappé par l’expression sincère du cri que son interlocutrice venait de pousser.
— Mais non… je croyais… on m’avait dit que c’était une institutrice… une jeune fille de bonne famille… qui avait eu des malheurs.
— C’est votre fils qui vous a raconté ça, parbleu ! dit Augulanty qui se tordait de rire. C’est une blague. Cette Clémentine Jouve est modèle, et, bien entendu, elle a été la maîtresse de tous les élèves de l’École des Beaux-Arts…
— Ce n’est pas possible ! C’est une infamie, ce que vous me racontez là !