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rencontrer Mlle Virginie et d’apprécier tout ce qu’elle a de qualités morales et intellectuelles, sans compter ses grâces physiques. Je ne vous cacherai pas, madame, la profonde impression que votre fille a faite sur moi. Et j’ai formé le projet peut-être… audacieux… d’unir mes jours aux siens…

Mme Pioutte eut un haut-le-corps significatif, une moue méprisante abaissa ses lèvres. Augulanty, qui s’en aperçut, ferma modestement les yeux et continua, sans paraître l’avoir remarqué :

— J’ai tenu aussitôt à vous faire part de cette idée, madame. Car ma dignité ne me permet pas d’agir sans votre approbation. Puis-je espérer que vous ferez un bon accueil à ce projet ?

— Mon Dieu, monsieur, dit, avec dédain, Mme Pioutte, il est difficile de vous répondre ainsi, sans réfléchir, mais je crois cependant que ma réponse sera négative. Virginie est très jeune, et nous ne comptons pas encore…

— C’est un refus, madame ?

— Je crains que oui.

— En ce cas, la raison que vous invoquez n’est qu’un faux-fuyant, dit Augulanty, chez qui l’impatience faisait reparaître la brutalité, et qui, au surplus, ne craignait plus assez Mme Pioutte pour la ménager. La vérité est que vous ne voulez pas de moi pour gendre.

— Puisque vous le reconnaissez vous-même, je ne cherche plus à vous le cacher !

— Et la raison de cet ostracisme, madame ?

— La raison est que nous espérons faire faire un plus beau mariage à Virginie. Ne croyez pas, monsieur, que ce refus comporte la moindre critique de votre personnalité. Je reconnais votre mérite. Mais votre situation financière n’est en rapport, ni avec mes souhaits, ni avec l’éducation…

— Votre fille, n’ayant qu’une dot assez minime, — et encore si M. l’abbé lui en fait une, ce qui n’est pas prouvé — aura beaucoup de peine à trouver cette situation…

— C’est possible, monsieur, mais cela nous regarde, nous en sommes seuls bons juges…

— Décidément, madame, vous me refusez ?