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qui parut, quelques secondes, pareil à celui d’un cadavre. Ses mains sèches tremblèrent comme des feuilles mortes, quand souffle un coup de vent. M. Augulanty se délecta de ce mouvement de frayeur.

— Comment ? Mon fils ? Que voulez-vous dire ? s’exclama-t-elle, partagée entre la crainte que M. Augulanty sût quelque chose et sa certitude qu’il ne pouvait rien savoir.

— Avez-vous de bonnes nouvelles de lui ? reprit l’économe, avec sa voix la plus naturelle.

— Mais oui, excellentes, répondit la vieille dame, qui se répétait avec angoisse : « Sait-il quelque chose ou non ? Il n’a rien pu apprendre ! Mais alors pourquoi m’a-t-il interrogée de cette façon bizarre ? »

Augulanty se frottait vigoureusement les mains, avec un air de visible satisfaction.

— Tant mieux, madame, tant mieux. Vous ne sauriez croire combien ce que vous me dites là me cause de plaisir. Travaille-t-il beaucoup ?

— Toujours beaucoup. — Et pour tendre un piège au professeur, Mme Pioutte ajouta : « Je suis très contente de lui. D’ailleurs, je n’ai jamais eu qu’à me louer de Charles. »

Augulanty prit un air bonhomme :

— Vraiment, madame ? J’en suis très heureux pour vous. Avec tous les sacrifices que l’on fait pour ses enfants, c’est bien le moins qu’on en ait quelques consolations.

— Il ne sait rien ! pensa Mme Pioutte. Et elle soupira d’aise, mouvement qui n’échappa pas à l’observateur que dissimulait en ce moment M. Augulanty. Une fois rassurée, la sœur de l’abbé devint aussitôt agressive et se mit en mesure de faire payer cher à l’économe les minutes de frayeur qu’il lui avait causées.

— Mais je pense, monsieur Augulanty, que ce n’est pas pour me parler de Frédéric Blesle, que vous avez sollicité la faveur d’un entretien particulier ! Elle répéta ironiquement la phrase d’Augulanty, en soulignant chaque mot.

— Non, madame. J’avais autre chose à vous dire. Vous n’ignorez pas que je suis un ami de M. Caillandre et que je vais fréquemment chez lui. J’y ai l’occasion de