— Je le sais, dit l’abbé, qui parut cependant soulagé d’un grand poids, je ne doute pas de vous, mon cher ami…
— Enfin, qu’a-t-on pu vous dire ? J’ai le droit d’exiger une explication…
— Voici, expliqua Théodore Barbaroux, avec embarras. On m’a raconté que vous viviez avec une… femme, une ouvrière… qui s’appelle Chanilladet ou Chauyadet… Vous pensez si j’ai bondi !
Augulanty aussi venait de bondir. Son indignation fut très bien jouée.
— Oh ! quelle infâme calomnie ! Lâche, surtout, lâche, une lâche calomnie ! S’attaquer ainsi à une malheureuse fille, une honnête fille qui gagne pauvrement sa vie…
Augulanty savait qu’il serait dangereux de tout nier. Un autre rapport pourrait venir aux oreilles de l’abbé qui s’étonnerait de leur persistance et prendrait des informations plus sérieuses. Le mieux était de donner à la vérité le visage le plus propre à être goûté et apprécié par le vieux prêtre.
— Comment, s’écria celui-ci, mais cette femme existe ?
— Si elle existe, monsieur l’abbé ! Mais elle habite tout près de chez moi ! C’est une misérable piqueuse en bottines qui vit toute seule et qui est extrêmement vertueuse. Ses parents habitent Aix. Son père a pris une maîtresse, une mauvaise femme qui voulait vendre cette pauvre fille. Par honnêteté, elle a fui sa famille. M. le chanoine de Dannaimare, qui veut bien m’honorer de sa protection, m’a prié de m’occuper de cette enfant infortunée. Je lui ai trouvé une place, et, depuis, elle gagne courageusement son pain de chaque jour… Ah ! Que le monde est mauvais ! Comme il comprend peu la pureté des intentions ! C’est cette charité dont on me fait un crime. Faut-il que les hommes soient corrompus, tout de même ! On a su cela et voyez les indignes propos que l’on tient ! Ce qui me dégoûte, c’est de voir que l’on s’attaque aussi lâchement à une malheureuse femme qui n’a personne pour la défendre contre tant de perfidie ! Le monde est bien bas, bien vil ! s’écria Augulanty, qui parut soudainement accablé de cette découverte. Heureuse-