donnait un grand poids à ses paroles, et quoiqu’il n’aimât pas beaucoup son collaborateur, Barbaroux n’avait jamais eu occasion que de l’estimer.
Il y avait là, pour un honnête homme aussi scrupuleux que le vieux prêtre, une belle occasion d’être perplexe, hésitant et inquiet.
Il guetta l’arrivée de l’économe dans le couloir où il rôdait, comme une âme en peine, et si bouleversé que de grosses gouttes de sueur perlaient à son front.
Quand le bel Augulanty parut, il le happa au passage et l’entraîna dans le cabinet étroit de l’économat dont il ferma soigneusement la porte.
— Mon cher Augulanty, dit-il, d’une voix que contraignait l’émotion d’avoir à accuser un aussi pieux personnage, vous savez mieux que personne la confiance que j’ai en vous et dont je n’ai jamais cessé de vous donner des preuves…
Quelque affectueux que fût ce début, il n’était pas moins menaçant. Augulanty flaira de l’orage dans l’air et disposa sa physionomie molle à prendre de suite l’expression qu’il serait nécessaire de lui communiquer.
L’abbé continuait avec une peine visible :
— Par conséquent, ne m’en veuillez pas… si je parais peut-être… avoir l’air d’écouter… ces propos que l’on m’a tenus… et auxquels… Je n’y crois pas, Augulanty, Dieu m’est témoin que je n’y crois pas ! Mais… il est bon que vous soyez averti et que… vous vous disculpiez… vous-même… Quoique je sache bien combien ces rapports sont calomnieux.
L’abbé s’épongeait le front avec un grand mouchoir à carreaux jaunes. Il respira comme un homme dont une lourde pierre écrase la poitrine. Augulanty avait arboré son air digne, mais il avait froid dans le dos. Il supposait que ces rapports concernaient Émilie Sayaudet. Il se prépara à la défense.
— Qu’a-t-on pu vous dire de moi, monsieur l’abbé ? demanda-t-il, avec une indignation contenue, je ne vois rien ni dans mon présent, ni dans mon passé, qui puisse prêter le flanc à la malveillance. Ma conscience n’a rien à se reprocher !