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II

L’ABBÉ THÉODORE BARBAROUX


Théodore Barbaroux appartenait à une vieille famille provençale. Son père, avoué médiocre, le voyant studieux et intelligent, voulut en faire un professeur ; sa mère aurait préféré qu’il fût prêtre. Docile et soumis, aussi travailleur que dévot, l’enfant s’achemina en même temps vers cette carrière et vers cette vocation. Il acheva brillamment ses études et, reçu à l’École normale, il en sortait avec le titre de professeur au lycée de Marseille. Il comptait exercer cet emploi quelques années, afin de se rompre à l’enseignement, puis se vouer à la théologie et entrer dans les ordres. Les événements disposèrent autrement de son sort. Ses parents moururent, à trois mois de distance l’un de l’autre. Il demeura seul au monde avec sa sœur Gaudentie, qui avait treize ans de moins que lui. Il se consacra à elle.

Elle fut l’unique joie de sa vie solitaire. Il s’efforça de lui donner un caractère ferme et généreux, il mit toute son ardeur à cette formation d’une âme. Pendant cinq années, il n’eut de pensées que pour elle, sa piété le tenant fort éloigné des femmes ; elle lui constitua, à elle seule, un intérieur et un foyer.

Un jour, il fallut songer à la marier. Gaudentie était alors jeune, jolie et fraîche. Silencieuse et renfermée, elle révélait peu de son caractère. Un vieux prêtre s’occupa d’elle, il lui trouva un prétendant, ambitieux et finaud, pressé de faire fortune. Il était employé dans une maison de commerce et s’appelait Marius Pioutte. Gaudentie eut en dot la totalité de l’héritage laissé par ses parents, et, de plus, Théodore s’engagea à faire sur ses appointements une rente au jeune ménage.

Aidé par cette mise de fonds, Pioutte gagna de l’argent dans le courtage. On était alors dans une époque