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morte, toute seule, et nous admirâmes une fois encore sa physionomie furtive, sa figure ronde et mate, et son regard timide, curieux et ambigu. Enfin, M. du Pontaut-Chaley fit son entrée, escortant Madame Sauze. C’était un vieillard chauve, extraordinairement sec et maigre et qui exhalait cette bizarre odeur de camphre, de laque et de sachets qu’ont les tiroirs pleins de mouchoirs de femmes et ces boîtes à gants de provenance japonaise, qu’incrustent des bambous et des cigognes d’or. Madame Sauze apportait les lettres d’excuses de Madame Loriol et de Madame de Gorliouges, qui se trouvaient empêchées, l’une étant malade, l’autre brusquement appelée aux eaux par son mari.

Aussitôt installée dans un fauteuil, Odette Sauze s’écria bruyamment :

— Devinez qui j’ai rencontré en venant ici ?

— Vous tenez trop à nous le dire, déclara languissamment Myomandre, pour que nous nous donnions la peine de deviner quoi que ce soit. Il fait bien trop chaud !

Madame Sauze, du clair regard de ses yeux noisette, tranquilles sous l’ombre caressante de leurs longs cils noirs, toisa l’interrupteur, sans bienveillance. On riait. Elle se décida à en faire autant, et reprit son récit :

— J’ai aperçu tantôt M. de Jur-Bavès, au seuil d’un magasin. Or, tout le monde le croit à Vienne, et hier soir, j’étais chez sa sœur qui ignorait un si prompt retour. Voilà un mystère qui m’intrigue énormément. Que fait ici, incognito, cet employé modèle, casanier, travailleur et scrupuleux, si attentif à ne point déplaire à ses chefs qu’il est