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pièce, un piano de bois clair ouvrait son clavier, et sur une table étincelaient des flacons de cristal à monture de vermeil. Partout, des fleurs : auprès de la fenêtre, des hortensias montraient leurs houppes roses ; au milieu de la cheminée, un grès à reflets rougeâtres enfermait dans sa panse oxydée et vineuse des œillets d’un jaune-citron, une gourde d’étain, pendue à la muraille, nourrissait une longue gerbe de glaïeuls. Les parfums, exhalés par tant de calices, chassaient les relents pharmaceutiques des remèdes et les émanations de la fièvre.

Près de Madame de Pleurre, il y avait déjà le docteur de Grandsaigne et Jean Larquier, Madame de Lèvrages et Madame Florel, l’une, grande, belle et brune, la voix sonore, le rire gai, l’œil brillant et la lèvre charnue ; l’autre, svelte, fine, pâle, effacée et silencieuse, les cheveux d’un blond fané, les prunelles bleues. Francis de Myomandre remit à Madeleine ses larges roses, elle les garda sur son lit, et jusqu’au soir, les caressa, laissant sans cesse ses doigts suivre les contours de leurs labyrinthes satinés, comme si le monde qu’elle quittait se fût enfermé dans ces corolles épanouies et magnifiques, qui devaient être pour ses yeux épuisés la plus harmonieuse et la plus délectable image de cette vie qui s’arrachait d’elle.

On paraissait à peine savoir que l’on se trouvait dans la chambre d’une malade. Nous échangions des questions diverses. Larquier composait un opéra ; on lui en demanda des nouvelles. Tandis qu’il répondait, M. de Cabre et M. Sassily apparurent, puis ce fut Mademoiselle de Helde-