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La santé de Madame de Pleurre nous inquiétait depuis longtemps déjà. Les mille devoirs de l’existence mondaine ne l’épuisaient pas moins que l’ardeur de sa vie intérieure et la frénésie de son universelle curiosité. Elle se consumait, en somme, de sensibilité et d’intelligence, et brûlée par un démon intérieur, dévorée par la véhémence avec laquelle elle arrachait le voile des jours, elle attirait à elle, fébrilement, les émotions et les pensées, s’en imprégnait tout entière comme pour faire plus riche et plus lourdement précieuse cette âme qui vacillait déjà au bord du gouffre où son destin allait sombrer.

Un refroidissement pris en février, à la sortie d’un bal, où Madeleine de Pleurre nous avait paru plus adorable que jamais et touchante, jusqu’à la douleur, de beauté et de grâce fragile, accéléra l’usure d’un organisme que, seul, un désir effréné de vivre maintenait encore debout.