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LE RESTE EST SILENCE…

Sa femme se redressait, indignée et hautaine, avec tant de vivacité qu’elle employait le tutoiement, elle qui ne s’en servait jamais avec son mari, parce qu’elle jugeait cela commun.

— Tu préférerais que ce fût quelqu’un d’autre ?

À cet argument, mon père ne répondait rien.

Enfin, de tant de mystère, de courses et d’affolement, une première robe sortit. Je ne me souviens plus très bien de sa forme, mais je revois sa couleur bleue, très pâle, comme fondante, avec d’immenses carreaux d’une nuance à peine plus foncée. Ma mère avait avec cela un grand chapeau blanc et bleu, et, là-dessous, ses vastes yeux d’azur, enfantins et rêveurs, prenaient une vie étrange et magnétique, et toute sa délicieuse figure baignait dans une sorte de vapeur d’opale.

Mais, le dimanche suivant, cela se gâta. À table, on parla de la fameuse robe. Chacun sait que, dans toute famille qui se respecte, la période délicate est celle du