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LE RESTE EST SILENCE…

rité d’alors et dangereusement sournoise. Que voyait-elle que nous ignorions et qui lui donnait cet air aimable et gouailleur, cette physionomie doucereuse et fausse de grosse chatte regardant badiner une souris qu’elle est sûre d’attraper tôt ou tard ?

Certainement elle n’a jamais rien su de tout ce qui devait nous arriver par la suite, mais la malveillance et l’hostilité communiquent une sorte de clairvoyance, et, sans le comprendre nettement, elle sentait qu’un danger nous menaçait, et peut-être même soupçonnait-elle quelle voie suivrait ce danger pour nous atteindre, et par lequel de nous il s’introduirait dans notre foyer.

… Et puis, il y eut entre les nuages une longue déchirure qui s’élargit peu à peu, s’emplit de lumière et d’azur. Et, par cette brèche, le Printemps se glissa. Il s’insinua doucement, sans crier gare. On le sentit à une tiédeur anormale de l’air, à une buée verte qui enveloppa les branches des promenades, à l’abondance des fleurs qui comblaient les paniers bruns des marchandes ambulantes, stationnant aux coins