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LE RESTE EST SILENCE…

aux mortels. Nous gagnâmes, à travers les rafales de pluie et les coups de vent, la cime culminante d’un Janvier nouveau, d’où l’on redescend vers l’année mystérieuse, vers la belle vallée de l’été, onduleuse, grasse et douce, qui nous attend…

Je m’enrhumai souvent et gardai alors la maison. Ma mère s’en allait fréquemment le matin. J’en étais enchanté, car dans ce cas il n’était pas question de travail. Elle sortait aussi chaque après-midi, et, à son retour, tantôt, elle était gaie, rieuse, pleine d’entrain et jouait longuement avec moi, et tantôt, maussade, soucieuse, inquiète, ne me parlait que pour me gronder. Mon père l’observait alors et semblait morose et pensif.

Le dimanche, nous sortions toujours ensemble. C’était la même promenade sous les arbres, et, avant de rentrer, l’ennuyeuse visite à ma tante Trémelat. Elle était plus aimable pour nous depuis quelque temps ; elle avait une sorte de bonhomie malicieuse qui me paraît, aujourd’hui que je m’en souviens, bien inquiétante pour notre sécu-