veux bruns, abondants, qui moussent sur son front. J’entrevois une taille mince, souple, pliante, une démarche onduleuse et singulièrement balancée, mais ce n’est que l’espace d’un éclair, de nouveau tout se brouille et se confond… Les hommes se gravent mieux dans la mémoire, peut-être parce que leurs traits sont plus marqués et plus rudes, peut-être aussi parce qu’on pense moins à eux et qu’on n’use pas leur image à se la représenter trop souvent. Mon père était grand et lourd, avec le ventre un peu fort, l’air bourru, de bons yeux de chien qui démentaient cette apparence sévère, et une barbe longue et clairsemée. Il était indolent et faible, et criait fréquemment pour cacher son manque de volonté. Mais que peut-on cacher à une femme ou à un enfant ? Sa sœur avait sur lui la plus fâcheuse influence, et cette influence, comme je l’ai déjà dit, s’exerçait à nos dépens.
Ma mère n’avait plus de famille, si ce n’est des cousins éloignés qui habitaient une autre ville. Elle avait perdu sa mère peu après sa naissance, et son unique tante