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LE RESTE EST SILENCE…

en cadenassant une porte. Je compris, je ne sais trop à quoi, que mon père n’était pas décidé à se séparer de moi, et je pensai que c’était par rancune contre maman, qui n’avait pas voulu sortir avec lui… C’était là le seul point de corrélation que je visse entre ces deux incidents…

Nous montions par une rue étroite et grimpante vers le quartier où demeurait ma tante Trémelat. On se serait cru dans une ville abandonnée : personne sur les portes, point de passants, pas même cet étrange magicien qu’est l’allumeur de réverbères, qui s’en va, à la nuit tombante, emportant ce qui reste de jour dans une petite cage de verre où la lumière sursaute et palpite, à chaque pas, comme un papillon à l’agonie. Mon père m’interrogeait sur mes études, et de là, sans qu’il s’en doutât peut-être, ses questions glissaient aux occupations de sa femme.

— Tu travailles bien tous les matins ? Ta mère prend assez de peine pour t’instruire…

— Oui, papa…