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ceur des tapis, affrontaient, nus de nouveau, les aspérités du chemin. Elle suivit la grande allée de châtaigniers qui menait au château et que deux contre-allées flanquaient. Les arbres étaient nus. C’était un soir d’octobre. Le vent furieux ébranlait les fenêtres et chassait les dernières feuilles. Une lueur de bronze frappait à l’horizon les nuages noirs, qui, montant peu à peu, dans le vide, se mélangeaient au gris sombre du ciel. Le monde était hostile, farouche et menaçant. Il faisait froid. May retournait vers l’inconnu de la misère, de la prostitution et de la faim. La haute grille, légère, armoriée, entre ses piliers de briques rouges, s’ouvrit, puis se referma lentement. May s’en fut sur la route…

Mais, derrière une fenêtre du grand salon qui faisait face à l’horizon, lord Herbert Cornwallis était debout. Soulevant le rideau d’une main, il suivait de l’œil, le cœur étreint par une angoisse sans nom, cette forme où il avait mis tant de sa vie. Un moment, il crut qu’il allait ouvrir la fenêtre, tendre les bras vers elle, jeter déses-