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Lord Herbert Cornwallis passa une nuit affreuse. Il lui semblait que la vie l’abandonnait. Une sorte de cauchemar l’enveloppait, où, tout vivant, il assistait à sa propre mort. Sa tendresse renouvelée, presque ressuscitée, lui conseillait d’être lâche. Il voulait excuser la faute de sa maîtresse, il avait besoin d’elle, de sa compagnie, de sa conversation enjouée, de sa fantaisie enfantine. Mais son orgueil se cabrait, il ne pouvait accepter cela ! Et puis, Herbert ne voyait-il pas que tous rapports, toutes relations suivies, toute intimité avec son pareil sont impossibles, qu’une grande âme souffrante doit vivre seule et sauvage, comme un aigle dans son aire ? Il aurait le courage de s’enfermer de nouveau en lui-même, de devenir son propre tombeau, de renoncer à l’affection, à l’épanchement, de s’enfoncer à jamais dans ce silence qu’il n’aurait pas dû rompre et auquel il serait, du moins, habitué quand il lui faudrait entrer dans un silence plus décisif, plus définitif encore.

Oui, il saurait en finir avec l’humanité, repousser loin de lui ce masque bestial,