Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

isolé que les forêts qui m’isolaient naguère, avant que ne vînt partager ma vie cette petite May que j’aime et qui m’a donné un bonheur que je ne méritais pas ! Hélas ! peut-être, pour avoir le bonheur, doit-on être à jamais affranchi du joug social et ne plus penser aux autres, pas même pour les scandaliser !

May écoutait son maître avec étonnement. Les mêmes préoccupations, les mêmes idées revenaient avec tant d’insistance dans ses longs monologues qu’elles avaient fini par lui devenir familières, mais elle ne les comprenait cependant pas. Cette incompréhension augmentait son respect pour lui et aussi son amour. Elle faisait un grand effort pour suivre les méandres de cette capricieuse pensée, elle contractait ses sourcils dans le dessein d’y apporter toute son attention, et, à la longue, le bruit de ces paroles finissait par le bercer doucement à la façon d’un bruit de la nature, du vent dans les sapins ou du ronflement monotone de la mer. Mais quand Cornwallis se mettait à discourir, rien ne l’interrompait. Il avait un tel arriéré