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qu’il ne reste d’eux que ces quelques pages que je relis souvent, qui sont admirables, certes, mais qui, à tout prendre, pour divines qu’elles demeurent et bien qu’elles émanent des plus beaux génies terrestres, n’en formulent pas moins des idées et des sentiments communs, dans une langue identique à celle dont nous usons si mal à propos, chaque jour, et seulement un peu plus châtiée. Car, pour émouvoir l’homme, la plus haute intelligence ne peut que faire appel aux pensées et aux émotions de l’homme, et ces pensées et ces émotions sont du mécanisme le plus banal et le plus prévu et, en même temps, de la plus plate bestialité. On ne peut être philanthrope qu’en se formant au début une opinion très médiocre de ses semblables. Chaque pessimiste n’est qu’un optimiste trop souvent déçu. Il n’y a que ceux qui n’ont jamais eu de grands espoirs qui ne sont pas désespérés. Mais moi, petite May, que n’ai-je pas espéré, que n’ai-je pas désiré ? Cette vie était trop brève, trop limitée, trop restreinte pour moi ! J’aurais voulu épuiser