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tage de leurs grotesques propos. Et puis que sais-je ? Rien ne me contente, ni ne m’a jamais contenté. J’ai peut-être cherché dans la solitude ce que je cherche à présent dans votre amour, ce que je cherchais dans l’ivresse, dans la débauche, dans le jeu. Il y avait positivement un plaisir pour moi, quand ma tête se perdait, quand les lumières des bougies commençaient une ronde immense, quand chaque verre de claret, chaque coupe de champagne accroissaient mon trouble et ma béatitude, et que de belles chairs, autour de moi, s’étalaient, magnifiques comme des fleurs. Mais cela ne m’a pas retenu. La sottise des convives m’indignait trop. J’aurais voulu dans de semblables soupers réunir quelques-uns de ces êtres qui ont été le sel de la terre : Lucien et Virgile, Racine et Molière, Hamilton et Saint-Évremond. Mais sans doute étaient-ils aussi ternes, aussi plats que les convives d’aujourd’hui et ne m’eussent-ils donné, comme les autres, que dégoût et désillusion. Il vaut mieux, je pense, qu’ils soient anéantis depuis longtemps et