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effroi. Pourquoi cela, petite May ? Est-ce que je souffre d’avoir étouffé en moi tant de vérités, qui ne se sont jamais manifestées ? Tant de sentiments enfouis me reprochent leur existence occulte et de ne pas leur avoir donné la vie, la vie qu’ils méritaient pourtant… Aurais-je laissé un plus doux souvenir dans le cœur des femmes qui m’ont aimé si je leur avais dit, — ce qui les eût bien étonnées ! — à quel point j’étais épris d’elles ? Mais pour une fois où je n’ai pas menti, j’en ai été bien puni ! Oui, j’ai voulu tromper autrui pour ne jamais être dupe, et, finalement, la dupe, c’est moi, puisque j’ai menti aux autres, comme à moi-même, que je ne me suis pas livré et que j’ai souffert ! Et celles que je trompais n’étaient pas des dupes, puisqu’au demeurant, ce sont elles qui, en aimant et en s’abandonnant, ont obtenu le meilleur. Qu’il est difficile à certaines natures d’être simples ! Pourquoi ai-je apporté au monde, en naissant, le fardeau de cet orgueil écrasant, ce besoin d’être seul, au-dessus de tout, incompris des autres, anormal, cette recherche maladive