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LE RESTE EST SILENCE…

— Sûrement, dit mon père, aussi ne rentrerons-nous pas de bonne heure.

Il prononça cela avec l’assurance triomphante de quelqu’un qui croit vexer profondément son adversaire ; mais il me semble bien maintenant qu’à cette réponse, il y eut sur le visage de sa femme une petite lueur heureuse.

Les paroles échangées à table entre mes parents ne laissaient pas que de m’inquiéter fort. Cette question de ma mise à l’école revenait périodiquement entre eux, pour mon plus grand malheur. J’avais une peur affreuse de tous les collèges. J’étais un petit garçon joli, timide, point vigoureux, et je pensais que ces sortes d’endroits, lycées ou établissements religieux, étaient de sinistres geôles, d’horrifiques bagnes où l’on est harcelé par les professeurs, bousculé par les pions, battu par les élèves, et, lorsque j’y fus plus tard, je ne trouvai pas mes prévisions très exagérées. D’ailleurs, j’avais déjà une certaine expérience de la vie, je connaissais les rapports humains par mes relations avec mes cou-