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LE RESTE EST SILENCE…

blante tristesse. Maman mentait. Je la regardai encore, et alors elle jeta sur moi un regard si suppliant et si navré que je baissai les yeux et n’osai plus, d’un moment, les lever sur elle. Tout cela était au-dessus de mes forces.

— Puisque vous alliez si loin chercher une brodeuse, fit ma tante en ricanant, vous auriez aussi bien pu venir chez moi… Et ce petit, toujours aussi pâlot ! Tu ferais bien mieux de prendre exemple sur tes cousins, Léon : eux, au moins, ils sont robustes et ils ont de belles couleurs. Mais vous aussi, Jeanne, comme vous êtes pâle ! Je ne sais pas ce que vous avez tous à être verts comme cela, on dirait que vous avez veillé un mort !

N’était-ce pas un rêve mort que chacun de nous avait veillé, en effet, cette nuit-là, dans le regret et dans l’angoisse ?

— Vous feriez bien mieux de faire vos paquets et de venir nous rejoindre en Savoie ; nous partons lundi prochain, arrangez-vous pour être prêts. Nous filerons ensemble… J’en dirai un mot à Joseph…