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LE RESTE EST SILENCE…

nuit, nous n’avions pas su si elle reviendrait ou non.

Pour la première fois j’avais eu l’impression que rien n’est solide sous les pas, que tout est bâti sur le sable et que les plus solides fondations ont une base fragile et chancelante… Fragile et chancelante, ma mère, l’avait été, et toute la maison avec elle ! Maintenant l’édifice semblait renforcé, la grande tourmente avait passé et l’avait laissé intact, après l’avoir ébranlé et lézardé ; mais qui nous promettait qu’il ne surviendrait pas quelque tempête nouvelle, quelque orage plus fort et plus brutal, qui emporterait tout, cette fois ?

Là-dessus on sonna, et Élise introduisit ma tante Trémelat. Je ne l’avais jamais vue aussi rouge : elle semblait sur le point d’éclater, de petites gouttelettes couvraient son visage, comme l’envers d’un couvercle de bouilloire, quand l’eau bout.

Elle cria aussitôt, d’une voix aigre :

— Eh bien, Jeanne, qu’est-ce qui vous arrive ? On ne vous voit plus. Voici trois