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LE RESTE EST SILENCE…

— Écoute, Léon, si tu ne manges pas ta viande, tu ne sortiras pas cet après-midi !

— Je n’ai pas faim, répétai-je obstinément, avec un vif désir, en ne mangeant rien, de punir toute ma famille, coupable de lèse-descendance. J’ajouterai que j’espérais, le repas fini, me rattraper à la cuisine, notre bonne étant toujours prête à favoriser mes pires caprices.

— Tu ne veux pas manger pour nous vexer et parce que tu es privé de dessert. Eh bien, si tu ne finis pas la viande qui est dans ton assiette, je te promets que tu seras également puni, dimanche prochain !

Mais, soudain, ma mère fit une volte-face imprévue.

— Pauvre chéri ! Peut-être bien qu’en effet, il n’a pas faim. Es-tu malade ? Te sens-tu quelque chose ?

— J’ai mal au cœur, déclarai-je, enchanté du tour heureux que prenaient les événements.

— On va te faire du thé, s’écria triomphalement ma mère.

— Quelle bêtise, Jeanne ! Tu vois bien