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LE RESTE EST SILENCE…

Après le café, mon père s’excusa de partir plus tôt que de coutume ; il n’était pas allé au bureau, le matin, et il était pressé de voir ce qu’on avait fait sans lui. Il embrassa longuement sa femme, comme pour s’excuser de ses soupçons et des torts qu’il avait eus envers elle. Maman envoya Élise chercher son sac chez madame de Thieulles, surtout, je pense, pour lui bien prouver que c’était là qu’elle s’était réfugiée. Et puis elle resta oisive et rêveuse, elle n’était plus gaie comme tantôt, elle avait cet air que l’on prend lorsque l’on vient d’accompagner quelqu’un dans une gare et que l’on rentre chez soi, sans but, sans désir, tout entier encore au bruit cruel des portières que l’on ferme et au sifflet des machines. La brise jouait avec un des rideaux de la fenêtre ouverte, j’étais assis sur le canapé, et je regardais maman. Comme elle avait l’air souffrant et triste ! Elle était pâle, d’une sorte de pâleur grise que je ne lui avais jamais vue. Un large cercle noir entourait ses paupières.

— Tu n’es pas contente d’être revenue