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LE RESTE EST SILENCE…

tu n’auras pas de dessert… » Le dimanche, mon père portait des gâteaux, et j’étais très gourmand. Mais l’attrait de la désobéissance et celui de la fillette m’incitèrent à ne rien vouloir entendre. Et ma mère déclara : « Tu seras privé de dessert ! » Elle me le dit même beaucoup trop tôt, aussi tournai-je la tête tant que dura la cérémonie.

À la maison, on se mit à table et il y eut une explication orageuse. Ma mère raconta que je m’étais très mal tenu à l’église et que j’étais puni. Je ne disais rien, et regardais mon assiette, d’un air sournois. Mon père me gronda longuement, puis enfin me demanda :

— Tu ne manges pas ?

— Non, je n’ai pas faim.

— Cet enfant est insupportable, s’écria ma mère ; je vous le dis bien, Joseph, il faut l’envoyer à l’école, il en a absolument besoin !

Mon père fit sa plus grosse voix, ce qui avait le don de m’agacer prodigieusement et ne me donnait aucun effroi.