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LE RESTE EST SILENCE…

vu qu’une fois, et, d’ailleurs, à quoi bon en parler ?

Papa reprit sa méditation, puis, au bout d’un quart d’heure de silence :

— Si j’allais voir une amie de ta mère, peut-être me dirait-elle chez… où elle est allée…

Je hochai la tête :

— Non, vois-tu, il vaut mieux ne pas y aller.

Et je ne sais trop pourquoi je répondis ainsi. Du fond de mon ignorance, quelle soudaine sagesse me venait, quelle intuitive expérience ? Moi aussi, j’espérais que maman était chez cette amie dont elle m’avait parlé vaguement, mais je n’y croyais pas. Et je n’ignorais pas non plus que, lorsque papa serait allé chez elle et qu’il ne l’y aurait pas trouvée, ce serait fini, qu’il n’y aurait même plus cette pauvre petite espérance pour s’agiter ainsi devant nous, comme un vacillant feu follet, — cette malheureuse espérance à laquelle je me cramponnais de toutes mes forces d’enfant perdu…