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LE RESTE EST SILENCE…

mais je m’enfuis au galop et je réclame maman à tous les échos. La rue est vide, il pleut, personne ne répond, et je marche au hasard dans une ville abandonnée. Je me suis perdu, je cherche ma route, je sais qu’elle existe, mais où ? Et me voici dans ce quartier populaire où Élise m’a souvent conduit, le soir. Je n’y vois pas la foule habituelle ; tout est morne, silencieux, et, comme j’ai peur, je cours éperdument, à travers de longues avenues solitaires, de larges trottoirs boueux… Soudain, une ombre se lève, elle est accroupie, elle grandit, elle est énorme, je reconnais tante Irma, mais effrayante, le poing tendu… Elle l’abat, je roule à terre en poussant un cri, et, quand je rouvre les yeux, je vois ceux de mon père qui se penche anxieusement sur moi. Je suis toujours à la même place sur le canapé, enveloppé d’un grand plaid écossais.

— Dors, petit, dors, murmure papa à mon oreille.

— Et maman ?

— Elle va rentrer, elle va rentrer…